LA PHYSIQUE QUANTIQUE NOUS PROMET UN FUTUR ETONNANT
D’après un entretien de JULIEN BOBROFF du Laboratoire de physique des Solides à l’Université de Paris Sud, Groupe de recherche La Physique autrement.
Ce que j’ai retranscrit d’une conférence entendue sur France Inter le 26 août 2018 :-D) :
1901 : Max Planck : Le rayonnement de corps noir émet des petits paquets d’énergie appelés quantas.
Avant on avait l’habitude d’émissions continues.
(En physique, quantum (mot latin signifiant « combien » et dont le pluriel s’écrit « quanta1 ») représente la plus petite mesure indivisible, que ce soit celle de l’énergie, de la quantité ou de la masse. Cette notion est centrale en théorie des quanta, laquelle a donné naissance à la mécanique quantique. Wikipedia)
1905 effet photoélectrique. Si la lumière est assez intense, elle peut arracher des électrons au métal jusqu’au rouge. Après l’augmentation de l’intensité ne change rien.
1905 Einstein (26 ans) (1879_1955) : on lui doit :
-La théorie de la relativité
-La théorie du mouvement brownien
-Comprendre l’effet photoélectrique, qui lui vaudra le prix Nobel. (Pas pour la théorie de la relativité).
Il a compris que la lumière se comporte comme des petits paquets. Il ne s’agit pas de l’énergie emportée par la lumière mais la lumière elle-même est composée de petits grains individuels appelés plus tard des photons. La lumière n’est plus une onde continue mais une onde composée de petits corpuscules. Chaque corpuscule arrache 1 électron au métal. Il vient d’introduire l’idée qu’une onde peut être composée de particules.
Ce qui va provoquer une révolution c’est la question suivante : qu’est-ce qu’un atome ? (après s’être demandé ce qu’est la lumière).
Il s’agit de comprendre la structure et les électrons des atomes. La question étant : pourquoi un atome ne s’effondre-t-il pas ? Le plus attire le moins en électricité.
Niels Bohr (1885-1962) un jeune physicien danois propose un modèle radicalement différent.
Le physicien propose : les électrons sont coincés sur des orbites. Il ne sait pas pourquoi. Ils ne peuvent pas s’effondrer sur leur noyau. Ils sont quantifiés et l’énergie ne peut que sauter d’un palier à un autre, d’une orbite à une autre. Il est à nouveau quantifié. Un petit quanta le fera sauter éventuellement d’une orbite à une autre. Ce modèle, pas tout à fait exact, va quand-même aider à partir de là à développer la quantique.
Ce modèle va permettre de comprendre les spectres des atomes d‘hydrogène, c’est-à-dire les couleurs absorbées par le gaz. Bohr va calculer toutes les raies de l’atome d’hydrogène.
Cette théorie va rejoindre l’expérience et convaincre tout le monde.
1922-23/1928: construction de la physique quantique par quelques (20-30) jeunes physiciens brillants. Grâce à des discussions multiples, beaucoup de conflits, de compétitions et une grande honnêteté intellectuelle, et une grande collaboration, sortira la physique quantique. Ils sont d’accord qu’il va falloir créer un autre modèle car ce qui se passe à ce niveau quantique n’a rien à voir avec les règles habituelles de la physique. Il faut trouver des concepts radicalement différents pour comprendre ce qui se passe à l’échelle de l’électron et de l’atome.
12/04/1956 : mécanique ondulatoire : Conférence de Louis de Broglie spécialiste de l’optique et de l’électromagnétisme.
La théorie des quanta est apparue quand on a voulu analyser le phénomène d’équilibre entre la matière et le rayonnement.
Max Planck remarque que cet équilibre ne peut être obtenu qu’en introduisant l’idée que la matière ne peut émettre et absorber le rayonnement que par des quantités définies de quanta d’énergie.
En 1931 Louis De Broglie (1892-1987) inverse la proposition : la matière est composée de corpuscules. L’inverse pourrait-il être vrai ? La matière pourrait-elle être composée d’ondes ! Pourrait-elle être une onde ? Ceci serait vrai à petite échelle.
Il existe alors une dualité ondes-particules.
Par ailleurs deux physiciens Davisson et Germer étudient le bombardement d’électrons sur un bout de nickel. Ils se rendent compte que les électrons rebondissent de façon très curieuse. Ils ne savent pas qu’ils vérifient l’hypothèse de De Broglie !
(L’expérience de Davisson-Germer a fourni une preuve critique qui confirme l’hypothèse de De Broglie postulant que les particules, comme les électrons, pouvaient se comporter comme des ondes. Wikipédia)
Les électrons se comportent comme des ondes quand elles arrivent sur un réseau. A petite échelle les petits objets se comportent comme des ondes. Ils vont pouvoir utiliser ces ondes pour calculer les propriétés de la matière. C’est là qu’intervient en 1925 un Autrichien Erwin Schrödinger (1887-1961). Il cherche l’équation que n’a pas trouvée De Broglie, qui pourrait gouverner l’onde qu’il avait trouvée. Les électrons sont des ondes qui occupent tout l’espace de l’atome – comme des vagues dans un aquarium et ces ondes n’ont droit qu’à certaines formes. Chaque forme a une énergie. Il calcule l’énergie avec son équation et il trouve exactement les résultats donnés par les spectres d’atomes d’hydrogène. Les électrons sont des ondes qui occupent tout le volume de l’atome.
Max Born (1882-1970) va comprendre qu’on a affaire à une onde de probabilité : c’est l’idée que l’électron, avant qu’on le mesure, occupe en probabilité tout l’espace de l’atome avec une certaine forme. Ce qui ne veut pas dire que c’est réellement une onde, ça veut dire que tant qu’on ne le mesure pas, il a des chances d’être ici ou là, ou là… et il ne choisit littéralement pas. Quand on mesure un électron c’est comme si on tirait au dé. L’électron ne décide pas où il est tant qu’on ne l’a pas mesuré. Quand on va le mesurer l’électron va décider de sa place en fonction de l’onde qui existait avant : l’onde est une sorte de cartographie des possibles qui va dire où l’électron peut se trouver avant qu’on ne le mesure. On va parler de réduction de paquets d’ondes, de probabilités de présence et on va introduire tout un formalisme pour comprendre finalement l’étrangeté du monde quantique qui se joue au niveau de cette onde qui est en fait une onde de probabilité. Schrödinger ira plus loin. Des expériences de pensée plus radicales. Avec le formalisme quantique non seulement un objet peut être dans une onde de probabilité mais il peut être dans deux ondes de probabilité, mais il ne peut pas être dans deux ondes de probabilité, deux états à la fois.
(Le chat de Schrödinger est une expérience de pensée imaginée en 1935 par le physicien Erwin Schrödinger afin de mettre en évidence des lacunes supposées de l’interprétation de Copenhague de la physique …Wikipédia
Selon l’interprétation de Copenhague, le chat est à la fois vivant et mort. Pourtant, si nous ouvrons la boîte, nous pourrons observer que le chat est soit mort, soit vivant.)
A l’échelle quantique un objet peut être superposé dans deux ondes de probabilité et c’est seulement quand on le mesure qu’il choisit une des deux aléatoirement.
1928/29 : la physique quantique est donc fabriquée. Les physiciens, armés des outils de la physique quantique, vont s’attaquer à des problèmes encore plus complexes.
En 1926, un physicien britannique Paul Dirac 24 ans (il a prévu l’existence de l’antimatière. Wikipédia) va créer une équation qui va résumer à la fois la théorie de la relativité et de la physique quantique pour comprendre l’électron. Cette équation-là fonctionne encore actuellement. Une onde de probabilité devient un corpuscule situé dans un endroit particulier dès qu’on le mesure. Ce qui va permettre de comprendre les atomes, la lumière, les gaz, les spectres et de comprendre les particules élémentaires. A partir de là deux branches vont se former :
-l’une va aller vers des objets de plus en plus fondamentaux ; Par exemple qu’est-ce qu’il y a à l’intérieur d’un noyau, d’un proton ? On va découvrir le positron, le neutrino, le muon. On va aller vers la physique des particules, celle des hautes énergies et petit à petit vers la bombe atomique.
-Une autre branche parfois moins connue va avoir un autre point de vue : on va repartir dans l’autre sens : maintenant on va pouvoir regrossir la matière en ajoutant des atomes les uns aux autres pour comprendre un vrai solide à partir des atomes qui le composent mais toujours à partir de la physique quantique. Mais le problème est que plus on a d’atomes plus c’est compliqué à calculer. Aucun ordinateur ne peut calculer avec 50 atomes. Or dans un solide où il y a des milliards de millions d’atomes on n’a aucune chance de calculer à partir de l’équation de Schrödinger. C’est voué à l’échec.
Ils vont être trois au début : Wolfgang Pauli autrichien (1900-1958), Enrico Fermi italien naturalisé américain (1901-1958) et Paul Dirac (1902-1984) puis Werner Heisenberg (1901-1976) à simplifier le problème. Ils vont enlever les atomes du métal et supposer que le métal est une boîte vide, sans atomes, sans noyau, sans électrons. Ils vont juste laisser les électrons qui peuvent se déplacer. Ils vont parler d’électrons libres. Ils se rendent compte que ça ressemble à un atome (un atome c’est une sorte de boîte électrique dans laquelle on laisse des électrons). Là c’est juste une boîte un peu plus grosse. Et en fait ça va se comporter comme un atome : il va y avoir des niveaux d’énergie, des quanta, comme des orbites et les électrons n’auront droit qu’à certaines énergies. Ils vont calculer ces énergies en utilisant les statistiques, le principe d’exclusion et finalement ils vont pouvoir calculer une des propriétés du métal pour voir si ça marche.
En 1926, Pauli écrit un article où il calcule le magnétisme d’un métal. Que se passe-t-il quand on approche un aimant d’un métal ? Il calcule et trouve exactement ce que donne l’expérience. Avant on ne comprenait pas le magnétisme des métaux. A partir de là Pauli déclare ne pas aimer la physique des solides et déclare-t-il, même si j’en suis à l’origine je n’en ferai plus, et il s’y est tenu. Pour lui c’était de l’ordre du sale, de l’approximatif, elle n’est pas assez fondamentale, pas assez belle et pure. Il retournera vers la physique des particules et il sera à l’origine plus tard de la découverte du neutrino. D’autres physiciens n’abandonnent pas. Ils vont continuer dans cette voie d’approximation terrible pour comprendre les solides. Ils vont essayer progressivement de faire de moins en moins d’approximations pour rendre leur modèle de plus en plus réaliste. Ainsi ils vont révolutionner notre compréhension de la matière qui nous entoure. Pourquoi la matière aurait-elle des propriétés quantiques ? A notre échelle on ne voit pas les bizarreries quantiques. Or la plupart des propriétés de la matière est quantique. Exemple Comment expliquer la solidité de la matière ? L’atome est un noyau au milieu qui fait 1/100 millième de l’atome et pour le reste, c’est pour l’essentiel du vide. Les électrons occupent très peu d’espace là-dedans. Donc l’atome c’est une boule vide et pourtant la matière est solide. Ma main ne traverse pas la table. Ce sont les règles de la physique quantique que vont comprendre Pauli, Heisenberg Fermi et Dirac qui vont gouverner la solidité des objets. Ma main ne passe pas à travers la table à cause du principe d’exclusion de Pauli qui comprend que quand l’électron est dans sa forme ondulatoire il refuse d’être au même endroit qu’un autre électron qui aurait la même forme. Deux électrons de même forme s’excluent. Comme si dans une soirée les jumeaux étaient exclus. Les électrons de la main qui sont les mêmes que ceux de la table ne peuvent pénétrer dans l’espace de la table même s’ils occupent très peu d’espace. C’est ce qui fait la solidité de la table. De la même façon ils vont calculer d’autres propriétés incomprises auparavant comme la couleur des objets. Pourquoi certains sont des métaux, d’autres des isolants, ou pourquoi certains sont des aimants et d’autres ne sont pas magnétiques. Des propriétés simples dont on a l’habitude mais qu’on ne comprenait absolument pas jusqu’à présent, pour être comprises enfin grâce à la physique quantique.
En 10-15 ans des physiciens comme Félix Bloch (1905-1983), Kenneth Wilson (1936- ), Pauli, Heisenberg vont être capables de mettre en place une physique quantique de la matière solide.
A la seconde guerre mondiale les physiciens ont compris la physique Q. Et là il va se passer quelque chose… A partir de leurs connaissances ils vont pouvoir inventer des nouvelles matières, de nouveaux composants, de nouveaux phénomènes. Ce qui est rare dans l’histoire des sciences. La physique Q va devenir soudain une sorte d’ingénierie Q pour inventer des objets qui n’existaient pas à l’époque. La révolution technologique la plus importante du XX et XXIème siècles aura lieu en 1947 avec John Bardeen (1908-1991), Walter Brattain (1902-1987), William Shockley (1910-1989). Ils travaillent alors dans les laboratoires de la Compagnie de téléphone américaine, Bell, qui est très motivée pour remplacer les tubes à vide électronique qui servent à faire les ordinateurs de l’époque et qui sont catastrophiques : ils démarrent mal, sont fragiles, encombrants, peu utiles pour l’électronique. Ils vont utiliser leur savoir Q pour fabriquer un tube à vide miniature. Ils vont inventer le transistor. (Un élément de circuit amplificateur qui peut donc remplacer les lampes à vide dans la plupart de leurs applications) et est constitué essentiellement d’un cristal semi-conducteur. Le transistor est ainsi constitué d’un sandwich, une zone de conductibilité négative ou positive, intercalée entre deux zones de conductibilité opposée. C’est une sorte d’interrupteur. Une façon de laisser ou pas passer le courant. Mais à une échelle miniaturisée. Comment ça marche et pourquoi le transistor est-il Q ? Un interrupteur n’est pas Q mais le transistor utilise des matériaux, des semi-conducteurs, capables de contrôler le nombre d’électrons. Ça va être des métaux sur mesure. Un métal vous donne un certain nombre d’électrons et vous n’en avez pas le choix. Avec un transistor on peut choisir sur mesure les électrons qui s’y propagent et la façon dont ils s’y propagent. Le transistor va permettre de miniaturiser l’électronique. Et en 1958 Jacques Qilby arrive aux USA et invente le circuit intégré. Il va mettre plein de transistors à deux dimensions sur une plaque. Et là on est en train d’inventer avant l’heure le microprocesseur et toute l’électronique moderne à venir. Actuellement dans nos ordinateurs on a 1 milliard de transistors. Chaque transistor mesure quelques milliardièmes de mètre parce qu’on a pu utiliser des métaux semi-conducteurs à la place du verre.
L’invention suivante, clé, de la physique Q va être le laser. En 1960 c’est une compétition pour les brevets. C’est Théodore Maïman qui gagne en réalisant un laser à partir d’un rubis qu’il va éclairer avec des flashes lumineux et il utilise des propriétés Q des atomes du rubis.
(En 1960, le physicien américain Théodore Maïman obtient pour la première fois une émission laser au moyen d’un cristal de rubis. Un an plus tard, Ali Javan met au point un laser au gaz (hélium et néon) puis en 1966, Peter Sorokin construit le premier laser à liquide. Wikipédia.)
Quand il éclaire avec ses flashes lumineux, les atomes sont excités et une fois excités, on va être capable d’envoyer 1 grain de lumière, un photon pour les désexciter et ainsi eux-mêmes recrachent un deuxième grain de lumière et si on met un miroir et qu’on recommence dans l’autre sens avec 1 autre atome, on aura 4 grains de lumière, 8, 16, etc. Progressivement on amplifie la lumière, mais tous ces grains sont absolument identiques. Donc on obtient une lumière amplifiée qui a exactement la même couleur, la même forme, la même cohérence. C’est le rayon laser qu’on pourra faire sortir dans une direction parfaite. On sait faire des rayons-lasers tellement unidirectionnel maintenant qu’on peut les envoyer sur la lune, mettre un miroir et les récupérer ensuite.
Le laser va permettre de couper, d’opérer en chirurgie, de lire un CD, etc. Et pour les télécom l’invention des diodes-lasers en 1962 et en 1969-70, ils servent à mettre de la lumière dans les fibres optiques. Toutes les communications modernes se basent sur l’utilisation des lasers dans des diodes qui ressemblent beaucoup au transistor de 1947.
1980 : invention du microscope électronique, à effet tunnel, à force atomique, des outils incroyables pour voir les atomes qu’on devinait mais qu’on ne voyait pas jusque-là. On va aussi inventer des outils en optique Q pour faire des cryptographies, pour coder des codes secrets de façon inviolable. Parallèlement on va essayer de développer des composants pour les applications très concrètes un peu à l’image du laser et du transistor.
1993 : arrive une découverte majeure, fondamentale, qui, plus tard, recevra le prix Nobel, c’est l’invention de la led bleue (diodes électroluminescentes bleues efficaces). Les leds étaient connues (led électroluminescente), les leds rouges, jaunes vertes mais pas les bleues. La bleue posait un vrai problème. Trois Japonais Isamu Akasaki (1929- ), Shuji Nakamura (1954- ), Hiroshi Amano (1960- ) travaillent dix-quinze ans très fort pour créer des sandwiches astucieux de matériaux pour réussir à faire une led bleue. Elle est importante parce qu’avec une led verte, une led rouge, on ne peut pas éclairer chez soi. Chez soi on a envie de lumière blanche et pour faire une lumière blanche il faut mélanger du rouge du vert et du bleu. La led ne sert à rien en physique Q mais elle sert au reste de l’humanité parce qu’elle va changer la facture énergétique de l’humanité. Une ampoule à filament perd 95% de son énergie dans autre chose que dans le rayonnement de la pièce. On n’utilise littéralement que 5% de l’électricité pour s’éclairer. Avec une led on peut aller jusqu’à 90-95% de ce qu’utilise la led pour s’éclairer. On va donc gagner énormément d’électricité grâce aux leds bleues. La physique Q est utile à l’environnement. Les cellules photovoltaïques sont aussi une œuvre de la physique Q, à l’image de ces leds bleues qui ont permis d’économiser énormément sur l’énergie.
Autre étape : la miniaturisation (comme les transistors dans les microprocesseurs). On sait fabriquer maintenant des objets à l’échelle du nanomètre. On sait les mesurer, les voir et donc va émerger dans les années 80/90 le champ de la nanophysique. Ce champ va recevoir son premier prix Nobel (2007) avec le Français Albert Fert (1938- ) qui avec Peter Grünberg (1939-2018) pour une découverte liée à la nano physique
La maniétorésistance géante découverte en 1988 est encore un sandwich de couches mais cette fois elles sont magnétiques. Fert va manipuler le magnétisme de la matière pour changer la résistance électrique d’un objet. C’est l’idéal pour la tête de lecture pour un disque dur magnétique. Ce magnétisme est une des composantes clé de la physique Q. L’aimant magnétique le plus petit s’appelle un spin. Fert va proposer de le manipuler pour faire une nouvelle forme d’électronique : il parlera de spintronique. Ce spin on le trouve au cœur de nombreuses technologies Q. Par exemple les IRM qui manipulent les spins dans nos atomes d’hydrogène et en regardant comment ils remontent à l’équilibre on est capable de distinguer différentes zones d’un corps humain sans devoir le découper en tranches. A l’échelle de la nano physique on va découvrir de nouveaux matériaux qui vont avoir des propriétés probablement utiles pour des applications qui sont encore à l’état de recherche. Et on en vient à la physique Q moderne qui continue maintenant. C’est un des champs les plus étudiés actuellement dans les laboratoires et on découvre régulièrement de nouveaux matériaux aux propriétés remarquables. Par exemple le graphène. C’est une couche d’un seul atome d’épaisseur de charbon (carbone). On prend du charbon mais on ne garde qu’un atome d’épaisseur. Cette couche-là a des propriétés remarquables. Propriétés mécaniques absolument uniques. C’est l’objet le plus dur au monde, des propriétés électriques également. Il n’est ni isolant ni métallique. Il est dans une sorte d’entre-deux étrange qui a permis de mettre à jour une nouvelle physique très étrange également : des électrons dans le graphène. On parle de Dirac, d’électrons sans masse. Les électrons se comportent comme s’ils n’avaient plus de masse, comme si c’était des grains de lumière. On est à la convergence de deux domaines :
Un domaine d’ingénierie, de nanophysique, de matériaux pour l’environnement, l’électronique et puis la physique fondamentale revient, qui va s’emparer de ces découvertes, de ces objets-là, essayer d’y découvrir une physique originale. Là le physicien ne s’intéresse plus à découvrir de nouveaux matériaux mais un nouvel état de la matière. Et on va découvrir de nouveaux matériaux Q qui vont présenter de nouveaux états de la matière absolument hallucinants qu’on n’envisageait pas jusque-là.
Exemple des supraconducteurs : du plomb, de l’aluminium. On le refroidit beaucoup, très près du zéro absolu. Soudain, à une température assez basse il va changer d’état et devenir une sorte de supermétal, un superconducteur. Ça veut dire que si on met du courant dedans il circule parfaitement. Plus rien ne lui résiste. Si vous prenez un petit anneau de ce métal, d’aluminium par exemple et qu’avec une pile vous mettez du courant dedans et que vous le refroidissez, vous pouvez ensuite retirer la pile, le courant restera piégé dans l’anneau jusqu’à la fin des temps. Un mouvement perpétuel, ce que n’aime pas le physicien en général mais que permet la physique quantique.
Autre étrangeté : si on approche un aimant d’un supraconducteur il est repoussé, se place en lévitation et reste là de façon stable au-dessus du supraconducteur au point que si après on retourne le dispositif il va tenir à l’envers, tenu à distance par des sortes d’ancres invisibles. Toutes ces propriétés ont une origine Q. En fait tous les électrons se mettent ensemble pour former une sorte de collectivité, une vague géante. On se souvient que chaque électron est une petite vague, une petite onde. Cette forme est une onde collective géante, une sorte de super atome géant qui va avoir le pouvoir étrange de conduire le courant parfaitement, de repousser les aimants. Ces supraconducteurs vont occuper les physiciens tout le XXème siècle et ce XXIème. On va les découvrir, penser les avoir compris dans les années 60 et on va se rendre compte dans les années 80-90 que de nouveaux matériaux existent inventés en laboratoire et qui échappent complètement aux théories anciennes, qui sont là encore supraconducteurs, 10 ou 100 fois meilleurs que les anciens et dont on n’a toujours pas compris en 2018 pourquoi ils sont supraconducteurs.
Par exemple l’origine de la supraconductivité dans des céramiques à base d’actinium, baryum, des cuivres ou d’oxygène reste un des plus grands mystères de la physique Q actuelle. On n’a pas besoin d’aller dans un immense accélérateur de particules pour sonder les mystères de la matière Q. On peut prendre une galette de céramique fabriquée dans un four banal le weekend et faire léviter un aimant dessus. Ça reste un des beaux mystères de la physique Q.
Ces supraconducteurs on aimerait les améliorer au point de ne plus avoir besoin de les refroidir. Comme ça on remplacerait tous les fils électriques par des supraconducteurs et on ferait tout flotter chez nous. On pourrait léviter, la salière, le skateboard. Tout pourrait flotter sans toucher. Ca ouvrirait des horizons incroyables en termes de révolution de design ou des applications. C’est un des sujets les plus étudiés dans les laboratoires. Ce qui est fascinant c’est la construction de la pensée qui a permis d’inventer de toute pièce ce qui se passe à l’échelle de l’atome sans jamais le voir. Et ce qui est aussi plaisant c’est de revenir à l’échelle de la matière et de voir de la physique Q dans les objets qui nous entourent si on les regarde avec un œil de physicien. Sonder l’invisible avec des concepts nouveaux :
Jean Perrin (1870-1942) : ‘’la physique Q permet de chercher à expliquer du visible compliqué par de l’invisible simple. C’est l’idée qu’on a des propriétés autour de nous très compliquées, qui ne sont pas intuitives, et qui en utilisant des théories de l’invisible de l’atome, de l’électron, du photon relativement simples et conceptuels on va pouvoir comprendre ce visible compliqué qui nous entoure.’’